Le PER est le couteau suisse de l’épargne-retraite

01/06/2021 - source : Investissement Conseils

Liquidités, assurance-vie, fonds en euros, PER… Alain Régnault, directeur général d’Ageas France, pose un éclairage sans détour sur le marché de l’épargne. Il fait aussi le point sur la bonne santé de la compagnie et des liens tissés avec les CGPI à travers la plate-forme Ageas Patrimoine.

Investissement Conseils : Comment se porte Ageas France en cette année 2021, après une année 2020 si particulière ?

Alain Régnault : Très bien, notre compagnie ayant su faire preuve d’agilité et de réactivité pour répondre à nos clients, les CGP. L’année 2020 s’est soldée par une croissance positive de 4 % de notre chiffre d’affaires en assurance-vie et retraite. L’évolution fut assez fluctuante avec un bon premier trimestre suivi d’un trou d’air, d’une remontée avant un dernier trimestre excellent tiré par le plan d’épargne-retraite (PER) qui a représenté 20 % de notre activité sur l’année. Nous avions lancé ce produit dès l’automne 2019, et en septembre 2020, il était complètement dématérialisé, ce qui a facilité les affaires en fin d’année. Place à 2021, maintenant. Après un très bon premier trimestre, nous sommes partis pour réaliser une croissance à deux chiffres sur l’année. Notre part d’unités de compte qui dépasse 50 %, continue de croître progressivement. Autre point essentiel, le PER s’installe pleinement dans notre développement, puisque nous avons maintenu sur ce marché au premier trimestre la part de 20 % d’activités. Nous avons clairement trouvé un moteur de plus pour notre activité. Plus globalement, Ageas France gère un stock de 4 milliards d’euros uniquement sur des produits d’épargne. La compagnie s’intègre dans un groupe mondial qui a réalisé 36 milliards de chiffre d’affaires en 2020 en assurance vie comme non-vie, avec plus de la moitié en Asie.

Que vous inspire le marché de l’épargne, alors que les ménages y amassent des liquidités abondantes ?

A. R : Je ne suis pas inquiet, mais le contexte impose de faire des choix. Le gouvernement va tout faire pour relancer la consommation. Que vont faire les Français ? Sur le marché de l’épargne, il y a un vrai travail pédagogique à faire avec la baisse des taux d’intérêt. La problématique majeure est de savoir conjuguer sécurité et rendement. C’est un défi pour les assureurs vie, car les taux bas vont sans doute le rester encore longtemps. Il faut donc apprendre à gérer ce couple sécurité-rendement, ce qui passe notamment par la proposition d’alternatives aux épargnants comme les produits structurés, l’intégration de solutions immobilières (SCI, SCPI) dans les contrats, etc. Tout cela doit devenir monnaie courante. Sur le fond, nous allons observer une distinction plus nette entre l’épargne longue, dont le PER est le produit phare, et l’épargne de court-moyen terme, comme l’assurance vie.

Parlons justement d’assurance-vie. Quel sort faut-il réserver au fonds en euros ?

A. R : Il faut vivre avec, le laisser disponible, mais proposer aux épargnants des alternatives. Personne n’a intérêt à tuer le fonds en euros, et soyons clairs, on ne passera pas du tout ou rien du jour au lendemain. La baisse des rendements est logique, compte tenu des taux obligataires, mais reste contenue, avec environ 0,20 % en moins l’an passé. Chez Ageas, nous ne pratiquons pas de dumping sur le rendement servi, qui n’est pas modulé selon la part d’unités de compte de l’assuré. C’est un même taux pour tous. En revanche, nous jouons sur les frais de gestion du contrat. Plus un assuré a d’unités de compte dans son épargne, moins les frais de gestion sont élevés. Il est donc gagnant à ne pas trop miser sur le fonds en euros. Nous n’allons pas sur le terrain des fonds en euros à garantie partielle, ni sur celui de l’eurocroissance, qui est intéressant mais inapproprié dans le contexte de taux bas actuel.

Quels sont les moteurs de l’assurance-vie sur lesquels Ageas veut s’appuyer ?

A. R : Nous travaillons à des innovations sur les unités de compte, mais il est trop tôt pour les dévoiler. Un autre moteur de notre marché repose dans le développement des mandats de gestion auprès de nos partenaires CGP. Beaucoup travaillent essentiellement en gestion libre, ce qui exige beaucoup de temps à y consacrer. Pour les petites primes, la gestion pilotée ou sous mandat s’avère très utile. Nous allons mettre l’accent sur ce terrain et promouvoir nos solutions de gestion sous mandat auprès des CGP. Avec une bourse aujourd’hui assez haute, les CGP doivent aussi revenir aux fondamentaux de la gestion, promouvoir les versements réguliers pour lisser le risque, et segmenter plus clairement leur clientèle.

Place au PER, maintenant. Pourquoi êtes-vous si enthousiaste sur ce produit ? Et quels sont les atouts de votre offre sur ce marché ?

A. R : Durant toute ma carrière, j’ai vu passer de multiples produits d’épargne-retraite, issus des lois Thomas, Madelin, Fillon et autres. Malgré les efforts des uns et des autres, nous sommes obligés de constater que le succès n’a pas été au rendez-vous. L’arrivée du PER révolutionne l’épargne-retraite parce que ce n’est pas un produit tunnel. La sortie en capital change tout ! Aujourd’hui, toutes les conditions sont réunies pour que ça décolle et l’engouement des professionnels, comme des épargnants, va au-delà de l’attraction fiscale.

Le PER est le couteau suisse de l’épargne-retraite. On s’y prépare un complément de retraite, bien sûr, mais c’est aussi un outil de gestion de patrimoine à part entière. Ainsi, ce compte-retraite n’est pas clos quand vous prenez votre retraite, il pourra même encore être alimenté. Son titulaire peut en sortir de manière fractionnée, ce qui permet d’étaler la note fiscale. Sur le plan successoral, avant 70 ans, c’est traité comme l’assurance-vie. Mais la raison de ce bon départ tient aussi à la qualité des produits commercialisés par les assureurs, bien meilleurs qu’au temps du Perp. Les PER d’aujourd’hui n’ont rien à envier à la gestion privée, on y trouve tout ce que comprend un contrat d’assurance-vie de banque privée.

Concernant notre offre, elle a été bâtie avec l’association Gaipare Zen, qui nous challenge bien sur ce sujet, ce qui est un atout. Notre produit est très bien positionné sur les solutions financières, puisqu’on y trouve notamment une quarantaine d’ETF et des titres vifs. La qualité du conseil est l’autre élément clé du PER, qui doit être proposé à bon escient. D’où l’importance de la formation que nous proposons à nos partenaires conseillers en gestion de patrimoine.

Le PER va-t-il mordre sur le marché de l’assurance-vie ?

A. R : Oui, forcément pour une partie. En 2020, nous avons fini l’année positivement grâce au PER, alors que l’assurance-vie était en recul. Désormais, quand un CGP rencontre un client qui a un projet patrimonial en tête et un disponible fiscal, le PER entre en jeu dans les solutions possibles. Certains épargnants ne disposant pas de liquidités suffisantes ont même réalisé des retraits de leur assurance-vie en fin d’année dernière pour alimenter un PER et profiter des économies d’impôt.

Parlez-nous un peu des CGP. Comment s’organise votre activité avec ces professionnels ?

A. R : En 2020, ce sont cinq cent-soixante CGP qui ont réalisé des affaires nouvelles avec Ageas. Ils sont notre seul réseau de distribution. Notre but n’est pas d’augmenter ce nombre d’apporteurs d’affaires, mais de consolider notre place d’assureur-vie auprès d’eux. Notre organisation est simple : Ageas France est assureur et fabrique des produits pour Ageas Patrimoine, notre plate-forme dédiée aux CGP. Ageas Patrimoine est une structure en architecture ouverte qui couvre toute la gestion de patrimoine. Sur 600 millions de chiffre d’affaires l’an passé, l’assurance-vie et l’épargne-retraite pesaient les deux tiers, les produits financiers autres, dont les SCPI en direct, le dernier tiers. Nous apportons aussi beaucoup d’attention aux services apportés aux CGP. Par exemple, nous montons des partenariats avec des agrégateurs comme Harvest, qui vont grandement faciliter la vie du CGP dans son activité. Sur le terrain, une dizaine de responsables du développement maillent le territoire régional. Nous avons aussi une équipe de back-office et de marketing qui est en interface avec les CGP partenaires.

Quel est votre regard sur cette profession aujourd’hui ?

A. R : Cette crise sanitaire a été l’occasion pour les CGP de montrer leur capacité de résilience. Ils sont restés proches de leurs clients, y gagnant certainement des parts de marché. A eux de capitaliser dessus maintenant ! Autre point clé, le niveau de compétences des CGP a nettement progressé ces dernières années. Les dossiers traités sont plus complexes qu’auparavant, signe d’un basculement progressif vers la gestion privée. Le mass-market les intéresse moins. Il ne faut pour autant pas délaisser cette frange d’épargnants, qui sera aussi la clientèle plus fortunée de demain. La gestion pilotée, j’y reviens, est l’un des outils dont les CGP doivent s’emparer pour y parvenir.

 

“ Le PER s’installe pleinement dans notre développement, puisque nous avons maintenu sur ce marché au premier trimestre la part de 20 % d’activités.”

“ Désormais, quand un CGP rencontre un client qui a un projet patrimonial en tête et un disponible fiscal, le PER entre en jeu dans les solutions possibles.”