Donation-partage de biens indivis : risques et solutions

24/04/2024 - source : Profession CGP

Par Fidnet, la base documentaire du groupe Harvest

Quelles conséquences juridiques et fiscales en l’absence de partage ? Quelles solutions sont à envisager ?

 

Nécessité d’un partage

Dans une donation-partage, le donateur effectue « la distribution et le partage de ses biens ». Ainsi, pour que l’opération revête la qualité de donation-partage, elle doit impérativement contenir un partage entre les donataires, c’est-à-dire une répartition matérielle par le donateur des biens donnés à chacun des donataires (attribution privative). Pendant de nombreuses années, les notaires ont procédé à des donations-partages de biens indivis, mais depuis 2013 la Cour de cassation sanctionne ces donations-partages et les requalifie de donation simple.

Exemple d’absence de partage : il n’y a pas donation-partage lorsque le soi-disant « lot » de chaque donataire est composé uniquement des quotes-parts indivises, c’est-à-dire, par exemple :

- d’une même quote-part de l’unique bien donné (ou de chacun des biens donnés) ;

- d’une quote-part de la masse totale des biens donnés ;

- d’une attribution de droits privatifs à certains héritiers et à d’autre des droits indivis.

 

Donation-partage transgénérationnelle

Le législateur autorise des attributions indivises dans le cadre d’une donation-partage transgénérationnelle en précisant que les petits enfants peuvent être allotis « conjointement entre eux ». Toutefois, cette dérogation vaut uniquement au sein d’une même souche, mais pas entre souches. Par ailleurs, la doctrine est partagée sur le fait de savoir s’il est possible d’attribuer à tous les donataires une partie de droits privatifs et une partie de droits indivis. Par exemple, une masse des biens donnée est composée de cinq biens immobiliers.

Si le donateur donne, à chacun de ses quatre enfants, un quart indivis de l’un des biens immobiliers et la totalité d’un autre bien immobilier de façon privative, alors s’agit-il bien d’une donation-partage ? Si ce n’est pas le cas, l’opération doit-elle être requalifiée globalement en donation ordinaire ou seulement pour la masse restant indivise, maintenant le caractère de donation-partage pour les biens attribués privativement ?

 

Sanctions en l’absence de partage

En l’absence de partage, la donation-partage est requalifiée en donation ordinaire, et tout le bénéfice reconnu aux donations-partages est perdu :

- elle sera rapportable à la succession du donateur (contrairement à une donation-partage valide) ;

- si les donataires sont des descendants du donateur les biens donnés seront évalués au jour du décès du donateur pour l’imputation et le calcul de la réserve (au lieu d’avoir leur valeur gelée au jour de la donation-partage),

- la donation pourra faire l’objet d’une action en complément de lésion de plus d’un quart (alors que cette action est impossible contre une donation-partage) ;

- l’attribution préférentielle pourra être revendiquée si les biens entrent dans son champ (alors qu’elle peut être écartée grâce à la donation-partage).

Pourtant, de nombreux notaires privilégient encore la donation-partage, alors même qu’elle encourt un risque de requalification en donation simple car l’administration fiscale ne disqualifie pas la donation-partage, qui conserve son régime de faveur.

Si un enfant rachète la part d’un autre, le droit de partage de 2,5 % s’applique, au lieu des droits de vente de 5,8 % dus avec une donation simple. Le droit de partage sera exigible sur l’acte par lequel les donataires procéderont à « l’allotissement ».

La requalification n’est pas automatique, elle doit être demandée par tout intéressé. Mais aucune action en justice n’est nécessaire : à la succession, le notaire est tenu de rappeler ces règles de requalification, et si un enfant la demande, le notaire l’applique sans avoir à saisir un juge.

 

Solutions pour sécuriser les donations-partages et éviter la requalification

Pour les donations à venir :

- allotir les autres enfants avec une somme d’argent ou d’autres biens ;

- l’enfant attributaire verse une soulte à ses frères et sœur, celle-ci peut être échelonnée et sans intérêts ;

- apporter le bien immobilier à une société civile et procéder à la donation divise des parts (mais cet acte peut être coûteux : frais de constitution, et taxation de la plus-value immobilière éventuelle lors de l’apport à la société).

Si l’acte de donation-partage a déjà été établi :

- réaliser le partage des biens indivis par un acte postérieur, à condition que le donateur soit encore vivant et y participe. Toutefois, le droit de partage de 2,50 % sera dû. La valeur sera figée à la date de ce nouvel acte. Le fait que le donateur donne son consentement et soit présent à l’acte de licitation ne justifie pas qu’il soit à l’origine de cet acte, ni que cela se fasse sous sa direction et son concours. Par conséquent, la donation ne peut pas être qualifiée de donation-partage (dans les faits, un acte de donation avait attribué à chacun des deux frères une quote-part d’un immeuble. Pour mettre fin à l’indivision, l’un des frères souhaite racheter la quote-part de l’autre [licitation]). Le donateur était uniquement présent à l’acte de licitation ;

- incorporer la donation-partage dans une nouvelle donation-partage qui procédera à un vrai partage avec des attributions divises. Toutefois, les valeurs seront également gelées à cette nouvelle date, et non pas au jour de la première donation et le droit de partage sera exigible sur la valeur nette de l’actif réincorporé (il y aura des droits de donation uniquement sur les biens qui seraient nouvellement donnés).

 

Références

C. civ. art. 1075 al. 1 ; Cass. civ. 1, 6 mars 2013, n° 11-21892 ; Cass. civ. 1, 20 nov. 2013, n° 12-25681 ; C. civ. art. 1078-4 ; C. civ. art. 843 et s ; C. civ. art. 1077-2 ; C. civ. art. 922 ; C. civ. art. 1078 ; C. civ. art. 889 et s ; C. civ. arts. 831 et 831-2 ; Cass. civ. 18 déc. 1950 ; CGI art. 746 ; C. civ. art. 1076 ; Cass. civ. 1, 15 janv. 2014, n° 11-18693 ; C. civ. art. 748 ; BOI-ENR-DMTG-20-20-10 § 250 ; C. civ. art. 776 A.