La Financière de l'Echiquier - MACROSCOPE : Scènes de ménage sur les marchés

28/09/2021 - source : Patrimoine 24

Les marchés ressemblent à la vie : il faut parfois faire le ménage. A cette occasion surgissent des scènes de ménage. Certaines aboutissent à la séparation, d’autres sont mieux gérées.

CapturealexisL’exemple des sous-marins français pour l’Australie illustre à merveille la mauvaise gestion d’une telle scène. Les acteurs se brouillent pour longtemps. Les alliances se brisent et le ménage n’est pas fait.

L’exemple de la Chine avec ses acteurs surendettés illustre l’inverse : une bonne gestion du ménage. Là-bas, les autorités sont confrontées à un excès d’endettement structurel. Le pourcentage de la dette totale du pays rapportée au PIB est en effet passé d’environ 160% en 2008 à plus de 320% aujourd’hui. Pour l’apurer, ou du moins freiner son expansion, les autorités ont resserré les conditions monétaires au début des années 2010. Résultat de ce ménage dans les comptes : des années difficiles pour l’immobilier chinois, notamment en 2011 et 2014. Forte de cette expérience, la Chine a affiné ses instruments monétaires de sorte à tenir constamment la ligne de crête entre la stimulation de l’économie d’une part, nécessaire la stabilité du régime, et la maîtrise de la surchauffe par le crédit d’autre part. La crise du Covid a été l’occasion de déployer pleinement cette expertise. Après avoir actionné l’accélérateur début 2020 lorsque le pays s’est soudainement figé, Pékin a peu après diminué ses mesures de stimulation, au point d’adopter au premier semestre 2021 une ligne légèrement restrictive. Résultat : rythme de croissance diminué au second semestre 2021, et mise sous pression d’acteurs trop endettés.

La situation critique du promoteur immobilier Evergrande en est l’expression typique. Acteur de faible qualité par sa structure financière tendue, mais numéro deux du secteur en Chine, il menace de faillite aux répercussions systémiques lorsque les conditions deviennent moins favorables. Mais Pékin agit, là encore, avec doigté. Au lieu de sauver en bloc Evergrande, elle injecte davantage de liquidités à court terme dans le système, évitant tout incendie bancaire, organise la restructuration du passif grâce à la symbiose nationale entre le public et le privé. Pékin laissera également probablement tomber quelques acteurs moins systémiques, ainsi que les banques étrangères qui, malgré les fragilités manifestes de l’entreprise, auraient malencontreusement acheté de la dette Evergrande. Le ménage sera fait, même si quelques éléments seront mis au rebut. Mais la scène de ménage principale doit être évitée : celle entre la classe moyenne et les autorités. Les ménages chinois doivent être logés, ou percevoir le loyer qu’ils escomptent. Sinon, le régime tiendrait-il la promesse de la "prospérité partagée" ? Les immeubles doivent donc être livrés "quoi qu’il en coûte". On peut alors se rassurer : même si quelques troubles peuvent avoir lieu, l’onde de choc de la restructuration devrait être absorbée. Il en faudrait certainement beaucoup plus pour qu’Evergrande devienne un nouveau Lehman Brothers. Même les Etats-Unis ne laisseraient d’ailleurs plus tomber Lehman Brothers aujourd’hui.

Aux Etats-Unis précisément, le ménage dans les comptes de la Fed n’a toujours pas commencé. Elle achète toujours 120 milliards USD d’obligations par mois. Mais le mouvement s’annonce. Le discours du Président de la Fed, le 22 septembre, ne laisse guère de doute : sauf dégradation inopinée du climat économique, les achats devraient commencer à diminuer d’ici la fin de l’année. Les marchés entreront alors dans une nouvelle période : le resserrement progressif. Les taux d’intérêts devraient monter. Comme en Chine, comme partout à vrai dire, les acteurs les plus endettés seront alors sous pression. Il y aura des défauts. On se demandera certainement si certains risquent d’être systémiques, notamment après une telle hausse de l’immobilier, où certains ont dû commettre des excès. Mais comme la Fed l’a appris elle aussi, une scène de ménage avec les ménages n’est pas envisageable pour le système. Des liquidités seront de nouveau injectées si besoin, sans limite.

A vrai dire, il n’y a pas le choix. Au niveau d’endettement auquel est parvenu le monde entier, la seule solution à la dette, outre l’inflation modérée, est la formation de nouvelle dette. Sans compter que de nouvelles dépenses encore mal estimées devront rapidement être engagées. La COP 26 sur le climat qui se tiendra en novembre le rappellera : à terme, il serait bien plus coûteux de ne pas s’endetter dès aujourd’hui pour combattre le réchauffement que d’engager des dépenses d’urgence[1]. Le ménage ultime dans les comptes attendra. Les ménages, eux, ne le peuvent pas.

[1] La BCE alerte : ne pas agir pour le climat pourrait laminer l’économie européenne, Le Monde, 23.04.2021

Par Alexis Bienvenu, Gérant

Telex:

Moral en baisse à la rentrée : après un été radieux, les enquêtes PMI sur l’activité économique en zone euro se rafraichissent. Certes, le niveau reste satisfaisant : 56,1 pour l’indice composite, nettement au-dessus de 50 qui marque la contraction de l’économie. Mais il baisse pour le second mois consécutif, après un pic à 60,2 en juillet. Des restrictions résiduelles liées à la situation sanitaire n’y sont probablement pas pour rien, de même que certains goulots d’étranglement sur la production. Aux Etats-Unis, l’indice composite ressort également en baisse à 54,4, quatrième mois de baisse après un pic à 70,4 en mai. C’est le plus bas niveau depuis septembre 2020

L’inflation pose question : La Fed a réactualisé ses projections d’inflation et de taux lors de sa réunion de politique monétaire le 22/09. Si les projections de croissance baissent nettement sur 2021 par rapport à sa dernière projection (5,9% contre 7%), elles sont revues à la hausse pour 2022 – l’un ne compensant pas l’autre hélas. L’inflation, pour sa part, gagne du terrain autant en 2021 qu’en 2022 ! Revue de 3% à 3,7% sur 2021, elle est anticipée à 2,3% en 2022. Ce point est crucial puisqu’il détermine en grande partie la politique monétaire. Au rythme actuel de révision, l’inflation prévue en 2022 pourrait encore notablement varier. D’autant qu’un réservoir d’inflation demande encore à se déverser, venant de l’immobilier. De quoi enflammer les esprits autant que les prix.

Picking de la semaine

rocket lab

ROCKET LAB : l’espace à portée de main

L’actu. 

Avec l’importance accordée aux enjeux spatiaux durables, comme la réutilisation des lanceurs ou la promotion d’énergies propres telle que l’hydrogène, ROCKET LAB s’inscrit comme un des pionniers de l’économie spatiale 2.0. Les chiffres solides du 2e trimestre 2021 confirment selon nous les belles perspectives de cette entreprise dont la croissance triple sur un an ! Dans le sillage de SpaceX, le lanceur et fabricant de fusées réutilisables cherche en effet à démocratiser les lancements de petits satellites en basse orbite – LEO (Low Earth Orbit). Les lancements sont réalisés à coûts réduits grâce aux avancées technologiques, comme l’impression 3D de la structure, et à l’intégration verticale de la production, de la fabrication en interne de composants au développement de services spatiaux.

Notre analyse. 

Avec une croissance de +237% en glissement annuel, le chiffre d’affaires du 2e trimestre 2021 atteint 29,5 millions de dollars, porté par l’augmentation du nombre de lancements et la progression des systèmes spatiaux. L'entreprise a lancé avec succès 4 missions depuis le début de l’année.  Ses 2 satellites exploités en interne récemment mis en orbite commencent à générer des revenus. Le segment des systèmes spatiaux se renforce grâce à l'acquisition de Sinclair Interplanetary, principal fabricant de matériel pour satellites.

La société a signé plusieurs contrats qui ont propulsé son carnet de commandes à 141 millions de dollars, soit une hausse de +136%. Parmi eux, un contrat avec BlackSky pour 5 lancements, avec la NASA pour l’envoi d’un satellite sur Mars, et Varda pour et Varda pour l’envoi dans l’espace de 3 usines spatiales en faible gravité. La flexibilité de lancement de ROCKET LAB s’améliore avec bientôt 3 rampes : une opérationnelle aux USA, une en voie d'achèvement en Nouvelle-Zélande et une en Virginie en attente de certification.

Les marges brutes ont augmenté à 13%, contre -67 % il y a un an. Les dépenses ont progressé, notamment en R&D (53% du chiffre d'affaires). La perte nette est de 22 millions de dollars et la consommation de trésorerie de 42 millions. La société a levé 777 millions de recettes brutes, ce qui devrait contribuer au développement de sa fusée Neutron, tout en respectant sa feuille de route d’acquisitions.

ROCKET LAB confirme son implication pour les enjeux sociaux et environnementaux :  la récupération à nouveau réussie du 1er étage de la fusée Electron est un pas supplémentaire franchi vers la réutilisation des actifs spatiaux. Electron a déjà déployé plus de 105 satellites en orbite et l’allongement de la durée de vie réduirait fortement les coûts de lancement.

Les prévisions pour la fin d’année ont été impactées par les règles sanitaires déployées en Nouvelle-Zélande. Si ces mesures s’atténuaient, l’entreprise pourrait enregistrer de solides revenus. Après un 2e trimestre 2021 ayant dégagé des bénéfices, la bonne exécution et le potentiel massif du marché restent selon nous des éléments prometteurs.

En conclusion. 

Le succès récurrent des lancements confirme selon nous l’avantage concurrentiel de ROCKET LAB. La conception des lanceurs, qui intègre les enjeux environnementaux sur l’intégralité de la ligne de fabrication, génère des économies d’échelle, assure l’indépendance de la société grâce à l’installation de ses propres bases de lancement et la diversité de sa clientèle sur des marchés comme la connectivité, l’observation de la Terre ou la fabrication en orbite… L’exposition au marché en plein essor des applications LEO et la visibilité dont la société bénéficie sur les commandes devraient permettre, selon nous, à la rentabilité de son business model de se profiler à l’horizon.

 

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