Mathieu Sanlaville : « Si la technologie facilite les choses, rien ne remplace l’humain »

26/10/2022 - source : Profession CGP

Après avoir contribué au développement de 123 Investment Manager durant dix années, Mathieu Sanlaville a, il y a désormais cinq ans, franchi le pas pour devenir conseiller en gestion de patrimoine près de Caen. Il revient sur les raisons qui l’ont conduit à s’installer et à fonder Norma Conseils.

 

Profession CGP : Il y a cinq ans, vous décidiez de quitter votre confortable poste d’associé et responsable du développement de 123 IM, à Paris, pour créer votre société de conseil en gestion de patrimoine près de Caen, à Colleville-Montgomery. Pour quelles raisons ? 

Mathieu Sanlaville : Cela faisait dix ans que je travaillais chez 123 Investment Manager, où j’avais effectué l’ensemble de ma carrière. Après de belles années de rencontres et de croissance, j’avais besoin de changer de ville, d’activité et de me lancer dans un projet entrepreneurial.

  Pourquoi la gestion de patrimoine ?

Il est vrai que j’ai réfléchi à différentes activités, notamment dans l’entrepreneuriat plaisir, mais je suis revenu à la raison et la gestion de patrimoine s’est imposée à moi. Pour ma famille, ce changement de vie devait s’accompagner d’un risque entrepreneurial « mesuré ». Bien sûr, je suis passé par des phases où je me suis questionné sur la faisabilité de mon projet car notre métier repose à 90 % sur la confiance.  En effet, sur notre marché, tous les acteurs proposent peu ou prou les mêmes solutions d’investissement – de bons contrats d’assurance-vie, des SCPI, du Private Equity, etc. – ; c’est ce lien de confiance qui se tisse au fur et à mesure qui permet de développer une relation avec un client, d’étendre le champ des missions, puis entraîne des recommandations.

 

Votre développement a été difficile ?

Comme je me suis installé de zéro, beaucoup d’anciens de la profession pensaient que je n’y arriverai pas, sauf en rachetant une clientèle. Evidemment, tout n’a pas été simple, mais notre positionnement d’« agence patrimoniale » (gestion de patrimoine et agence immobilière) nous a beaucoup aidés.

 

Pourtant, vous êtes originaire de la région…

Tout à fait, mais ma famille et mes amis ont surtout été présents pour m’épauler dans les moments difficiles. Tous ne sont pas des clients patrimoniaux !

 

Comment avez-vous procédé ?

Si j’étais resté à mon bureau, il ne se serait pas passé grand-chose ! J’ai donc cherché à être aussi visible que possible, à provoquer les rencontres (partenariats sportifs, business clubs, etc.). L’arrivée de nouveaux clients passe aujourd’hui à 80 % par la cooptation. Et pour un client coopté, 50 % du travail de mise en confiance est déjà fait… Ensuite, je réalise un peu de publicité sur Internet, de façon locale.

D’une façon générale, lorsque je rencontre un prospect, j’insiste sur la dimension réglementaire de mon activité : le parcours client, l’importance de la déontologie de la CNCGP, la connaissance client, la transparence des rémunérations… Cela confère une image de sérieux et démontre que je suis là avant tout pour répondre à ses besoins.

 

Passer du Private Equity à la gestion de patrimoine a-t-il été compliqué ?

Au-delà du bagage théorique (master en Gestion de patrimoine-ingénierie financière), dans ce métier, on apprend également beaucoup avec les formations obligatoires dispensées par la CNCGP, mais aussi via les problématiques que nous rencontrons avec nos clients. Si dans 90 % des cas, les besoins exprimés et typologies de patrimoine sont semblables, il existe 10 % de cas où la situation est plus complexe (cession d’entreprise, indemnités, etc.).

 

Que vous manque-t-il de votre passé en BtoB ?

La relation de professionnel à professionnel est très différente de celle en BtoC. Elle demande moins de pédagogie, alors que pour un particulier, il convient d’être très didactique et de s’assurer que la personne a bien compris ce dans quoi elle investit. Jamais (enfin j’espère), un professionnel ne fera investir ses clients dans quelque chose qu’il n’aurait pas compris lui-même !

 

Désormais CGP, comment observez-vous le travail de vos fournisseurs ?

Si j’avais été CGP avant d’être responsable du développement, j’aurais certainement procédé différemment. En effet, les approches sont assez standardisées autour des produits, ce qui ressemble un peu à un supermarché. Nos fournisseurs s’intéressent finalement peu à notre quotidien de CGP et de chef d’entreprise. Je pense qu’ils devraient davantage s’intéresser à notre structure, notre façon de travailler, nos obligations réglementaires… Autre élément : l’aspect administratif/back-office ne doit surtout pas être négligé. Cela est même assez catastrophique chez certains assureurs ; j’ai même récemment cessé de travailler avec l’un d’entre eux pour cette raison ! Or en tant que conseiller, je suis l’unique responsable vis-à-vis de mes clients. Tout ce travail administratif doit être davantage valorisé chez nos partenaires.

  Après cinq années d’activité, où en êtes-vous de votre développement ?

Le cabinet compte une centaine de familles clientes, pour un peu moins de 20 millions d’euros d’encours. Mes clients ont entre trois mois et soixante-dix-huit ans, et viennent d’horizons très différents. J’ai la chance aujourd’hui d’accompagner des familles sur plusieurs générations. Dans la majorité des cas, il s’agit donc de traiter des sujets de clients actifs et de parents, disposant de revenus confortables, ayant une résidence principale dont le crédit est bientôt remboursé, souvent fortement fiscalisés.

Le plus souvent, mon travail porte sur l’épargne à long terme avec un travail de pédagogie sur les différentes classes d’actifs en jouant sur sa disponibilité ou non et le profil de risque des clients. Aujourd’hui, je réfléchis à recruter un collaborateur pour m’aider au quotidien car même si la technologie facilite les choses, rien ne remplace l’humain.

 

L’année du Covid vous a-t-elle freiné dans votre croissance ?

Elle a été moins facile que les années qui ont suivi, c’est sûr. Durant cette période, j’ai gardé le lien avec mes clients en leur proposant, par exemple, des formations en visio quelques heures par semaine. Chez nous aujourd’hui, 100 % du parcours client est réalisé de façon dématérialisée, cela facilite l’exécution des tâches et offre une meilleure traçabilité.

 

Comment évoluent les besoins de vos clients ?

J’ai de plus en plus de questions relatives aux cryptomonnaies. Si je me suis renseigné sur ce marché pour répondre aux interrogations, je ne les accompagne pas dans ce domaine. Ces derniers mois, j’observe également que la crainte commence à monter chez mes clients vis-à-vis de l’inflation et de l’installation du conflit en Ukraine. Enfin, pour répondre encore mieux aux demandes des clients en matière d’ISR, je compte passer ma certification AMF de finance durable d’ici la fin de l’année.

 

Après dix années chez 123 IM et cinq années après avoir créé Norma, où vous voyez-vous dans cinq ans ?

J’espère que le cabinet aura doublé de taille dans cinq ans. Ensuite, je compte développer de nouvelles activités, comme nous le faisons actuellement avec mon associé, Anthony Bonnard, sur la partie immobilière et plus précisément en marchand de biens. Sur un plan plus personnel, je suis également associé dans différentes sociétés que j’aimerais accompagner encore plus dans leur développement.