Robeco - Les craintes d’inflation et le durcissement de ton de la Fed hantent les marchés

13/12/2021 - source : Patrimoine 24

Poussée par la montée de l’inflation, la Fed secoue les marchés en envisageant un « tapering » accéléré de nature à précipiter les relèvements de taux.

 

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Jerome Powell affole les marchés en abandonnant l’idée d’une inflation temporaire

Une accélération du « tapering » signifierait un premier relèvement des taux américains en mai

Le nouveau variant Omicron malmène aussi les actions en ramenant certaines restrictions

L'indice américain très suivi des prix à la consommation (IPC) a grimpé de 6,2 % en base annualisée, atteignant ainsi son plus haut niveau depuis 1990. La hausse des prix de l’énergie et de l’alimentation sont considérés comme les principaux coupables, bien qu’une fois ces deux composantes éliminées, l’indice affiche tout de même une hausse de 4,6 %.

Lors de son intervention devant le Congrès américain du 30 novembre, le président de la Réserve fédérale, Jerome Powell, a donc revu son discours sur l’inflation, qu’il ne voit plus comme temporaire mais installée pour un moment, prenant ainsi les marchés par surprise.

La crainte d’un retrait beaucoup plus rapide des programmes de relance (tapering) dans le but de contrer l’inflation, et d’une décision ultérieure anticipée de relever pour la première fois les taux depuis leur abaissement de mars 2020, a fait chuter les actions. Les gains des marchés obligataires dus au nouveau variant Omicron du Covid-19 ont été gommés, les marchés intégrant progressivement un relèvement plus précoce des taux désormais attendu pour mai 2022.

« Tapering » accéléré

Comme l’explique Peter van der Welle, stratégiste de l’équipe multi-actifs de Robeco, « les marchés obligataires mondiaux subissent une pression croissante de l’inflation et la Fed a maintenant abandonné l’idée d’une inflation temporaire, ce qui laisse entrevoir un « tapering » accéléré ».

La courbe des contrats à terme sur fonds fédéraux s’est pentifiée en réaction à l’attente du marché de relèvements de taux anticipés, la réunion du Comité de politique monétaire de mai 2022 étant maintenant vue comme la première où les taux vont bouger.

La courbe des swaps suggère que le marché attend une hausse des taux d’environ 1,75 % au plus (ils sont actuellement à 0,25 %). Cela signifie un taux final relativement faible par comparaison aux cycles de relèvements antérieurs, ce qui exerce une force gravitationnelle sur les taux des bons du Trésor américain à 10 ans.

Le coup de grâce pour les actions

Les actions souffraient déjà de l’annonce du nouveau variant Omicron du Covid-19, plus contagieux, qui a motivé des interdictions de vols et de nouvelles restrictions en Europe, nuisant plus particulièrement aux titres des secteurs du voyage et de l’hôtellerie.

Le marché digérait encore l’information lorsque Jerome Powell a déclaré que la Fed devrait « envisager d’avancer de quelques mois la clôture de ses programmes d’achats », étant donné « la grande solidité de l’économie à ce stade et les pressions inflationnistes élevées ».

« Novembre est habituellement un assez bon mois pour les marchés actions, qui ajoute en moyenne 1 % à la progression depuis le début d’année », souligne Peter van der Welle. Ce qui n’est pas le cas cette fois puisque les actions mondiales ont cédé 1,5 % durant le mois. Le coup de grâce leur a été donné par l’intervention de Jerome Powell devant le Congrès, inattendue pour les analystes.

La bonne et la mauvaise inflation

La Fed durcit maintenant le ton et abandonne l’idée d’une inflation temporaire, car l’évolution des prix lui apparaît, à ce stade, comme problématique. Le niveau et la vitesse de l'inflation augmentent le risque d’effets secondaires et d’une inflation fermement ancrée.

La nature de l’inflation est importante. Actuellement, ce n’est globalement pas la bonne, c’est-à-dire une inflation sans accélération coïncidant avec une économie à l'équilibre. Au lieu de cela, l’économie mondiale connaît une mauvaise inflation, causée par des chaînes d’approvisionnement exsangues et qui, au final, risque de conduire à une inflation « malsaine ».

La solidité continue du marché du travail américain augmente le risque de voir se matérialiser ce type d’inflation malsaine, qui naît d’une spirale infernale salaires-prix, étant donné le pouvoir de négociation accru des travailleurs face aux employeurs.

Le nouveau variant Omicron complique les choses

Peter van der Welle souligne que Jerome Powell reconnaît l’erreur de jugement de la Fed concernant l’inflation, la pandémie ayant artificiellement supprimé la demande tout en vidant les chaînes d’approvisionnement, ce qui a créé des effets non linéaires échappant aux modèles macroéconomiques classiques.

« Le nouveau variant Omicron du Covid-19 vient compliquer le repositionnement de Jerome Powell », ajoute-t-il. « L’OCDE nous a déjà avertis : l’inflation ne se calmera qu’une fois la pandémie derrière nous. Un nouveau variant pourrait prolonger la bataille et par conséquent l’inflation. »

Le tableau n'est toutefois pas complètement sombre. La saison de publication des résultats du troisième trimestre a été exceptionnelle aux États-Unis, ce qui montre que le pouvoir de fixation des prix des entreprises progresse toujours, ce qui est de bon augure pour les actions.

Des questions subsistent par ailleurs quant à la chronologie du « tapering » et des relèvements de taux, qui dépendra largement du taux de participation américain – c’est-à-dire le nombre de personnes actives sur le marché du travail – qui donne une indication de la véritable solidité de l'économie.

Taux de participation et taux directeur

« Nous pensons toujours que la fin du « tapering » ne signifie pas la transition directe vers un cycle de relèvement des taux. Avant cela, la Fed voudra idéalement voir un taux de participation plus élevé », explique Peter van der Welle.

« L’inflation devrait selon nous s’apaiser en 2022. Cela laissera à la Fed une certaine marge de manœuvre pour évaluer si le repli du taux de participation comporte une composante cyclique. Au final, ce n’est pas tant la date de relèvement du taux directeur qui importe pour les marchés actions, mais le degré du durcissement et le taux final.

La probabilité d’un durcissement extrême de la position de la Fed étant faible à court terme, l’économie américaine sera en mesure d’absorber les premiers relèvements du taux directeur et de poursuivre une croissance soutenue en 2022.

Dans le même temps, les nouvelles hausses des cas d’infections et la découverte de nouveaux variants du Covid-19 pourraient déclencher des accès temporaires d’aversion pour le risque qui profiteront aux obligations d’État. »

Par Peter van der Welle, Strategist Global Macro team

 

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