Robeco - Talk ‘22 : « Les monnaies numériques et le métaverse me rappellent l'Internet d'il y a 25 ans »

10/12/2021 - source : Patrimoine 24

« Nous sommes à l'aube d'une nouvelle vague numérique qui va provoquer la dématérialisation de plus de choses encore », déclare Richard Speetjens, responsable de l'investissement thématique. Dans notre série d'interviews sur les perspectives 2022, les experts de Robeco répondent à cinq questions clés sur leurs domaines d'investissement respectifs.

a46f5e1e300047bef5816ec429045a12 richard speetjens 1400x780px tcm26 25639 1120x620Quel sera l'enjeu le plus important en 2022 ?

« Je voudrais insister sur deux points. Premièrement, je pense que nous sommes à l'aube d'une nouvelle vague numérique qui va provoquer la dématérialisation de plus de choses encore. Songez aux cryptomonnaies, et plus généralement aux monnaies numériques. Ces monnaies sont en train de se généraliser et elles ont commencé à devenir une solution de remplacement à l'infrastructure financière existante grâce aux protocoles blockchain sur lesquels elles reposent.

Les nouveaux produits et services comptent désormais les célèbres jetons non fongibles (NFT), mais aussi d'autres types de services pour lesquels un contact avec un vendeur était nécessaire dans le passé. Aujourd'hui, tout peut se faire de façon dématérialisée et beaucoup plus sûre. Bien sûr, nous ne pouvons pas investir directement dans ces protocoles, mais il existe des sociétés cotées qui apportent leur soutien à ces projets décentralisés.

Un autre aspect de cette vague numérique est l'essor de ce que nous appelons le métaverse. Il s'agit de mondes virtuels dans lesquels les jeunes consommateurs passent de plus en plus de temps. Ils ont créé leur propre image dans ces mondes virtuels et ils consacrent un temps non négligeable à s'y montrer sous leur meilleur jour. Les métaverse n'en sont qu'à leurs débuts, mais je pense qu'ils attirent un grand nombre d'investissements.

Par exemple, la société Meta Platforms (anciennement Facebook) a récemment indiqué qu'elle investissait massivement dans son activité Facebook Reality Labs1. Je ne dis pas que nous allons tous marcher avec des lunettes de réalité virtuelle demain, mais il ne fait aucun doute que nous devons suivre cette tendance, parce que le métaverse peut coexister avec le monde physique, et qu'on assistera probablement à l'apparition de formes hybrides.

Deuxièmement, en ce qui concerne le développement durable, je pense que la récente hausse des prix des matières premières et de l'énergie devrait accélérer davantage encore l'adoption des sources d'énergie renouvelable. Elle devrait également encourager une plus large utilisation des matériaux intelligents afin d'économiser l'énergie et de réduire les dépenses, et accélérer la transition vers les véhicules électriques.

Dans de nombreux pays, les énergies renouvelables sont déjà l'une des sources d'électricité les moins chères. Dans le même temps, nous semblons être à un point d'inflexion en ce qui concerne l'adoption des véhicules électriques. Le coût de possession de ce type de véhicules a considérablement baissé et un nombre croissant de modèles sont disponibles sur le marché. »

Quel changement majeur avez-vous constaté depuis le début de la crise sanitaire, qui ait un impact durable, également en 2022 ?

« Sur le plan des investissements thématiques, la pandémie a accéléré la plupart des tendances dont nos stratégies visent à tirer parti. On le voit clairement dans des domaines tels que les paiements numériques ou le commerce électronique, par exemple. En outre, nous avons également constaté que ces tendances ne s'inversent pas lorsque les économies se rouvrent. Elles ralentissent parfois, mais elles ne cessent pas car les nouvelles habitudes persistent.

Par exemple, les générations plus âgées qui avaient adopté Internet avec plus de lenteur pour de nombreuses tâches quotidiennes ont maintenant largement rattrapé leur retard. Il est fort probable que les nouveaux comportements de consommation subsistent après la pandémie. Par exemple, la part du commerce électronique en pourcentage du total des ventes au détail est restée stable après le bond observé en 2020. C'est bien mieux que ce que nous avions initialement prévu après le confinement généralisé de 2020.

Il en va de même pour l'intérêt croissant que les gens portent à la durabilité et au changement climatique. Nous constatons une progression spectaculaire de la prise de conscience, ainsi qu'une accélération forte et durable des dépenses en faveur de technologies et d'infrastructures vertes. Certaines de ces dépenses sont même liées aux conséquences de la pandémie, les gouvernements s'efforçant de relancer leur économie. »

Qu'est-ce qui vous distingue le plus du consensus en ce qui concerne votre approche/vision/stratégie de portefeuille ?

« Je pense que c'est la position à très long terme que nous adoptons en tant qu'investisseurs thématiques qui me fait le plus sentir en dehors des sentiers battus du consensus. En tant que gérant de portefeuille, je veille toujours à m'attacher non seulement aux avantages concurrentiels d'une entreprise à un moment donné, en faisant appel à toutes sortes d'indicateurs de la rentabilité, mais aussi à la durabilité de ces avantages concurrentiels.

À mon avis, quand une entreprise dispose d'un certain avantage concurrentiel (une technologie supérieure, une meilleure marque, ou quoi que ce soit d'autre), cet avantage est parfois beaucoup plus durable que ne le pensent la plupart des investisseurs. Ce ne sont donc pas tant les tendances que nous ciblons qui nous rendent spéciaux (la plupart d'entre elles sont en fait très consensuelles), mais plutôt notre prise de position par rapport à ces tendances et la façon dont elles peuvent être pérennisées.

Cela signifie, par exemple, que nous sommes parfois prêts à payer des multiples plus élevés pour certaines entreprises parce que nous voyons un potentiel de rendement à long terme plus élevé que ne le voient la plupart des investisseurs. Cela signifie également que nous entrons parfois dans ces tendances plus tôt que la plupart des investisseurs, et que nous en sortons généralement plus tard. »

Quel est le plus grand défi « externe » ou ce qui est le plus susceptible de changer la donne en 2022 (politiques gouvernementales, réglementations, politiques des banques centrales, inflation, etc.) ?

« L'intensification de la pression réglementaire sur l'économie numérique est un phénomène que nous ne pouvons plus ignorer maintenant et qui devrait rester au centre des préoccupations l'année prochaine. La réglementation n'est pas un nouveau défi en soi, puisque les risques réglementaires font depuis toujours partie du paysage des investisseurs. Mais la pression va continuer de s'accentuer et nous devons en tenir compte partout où elle se fait très invasive.

Un autre point qui suscite de nombreuses questions chez les clients concerne les taux d'intérêt réels. Ils sont encore extrêmement bas, mais cela pourrait changer. Beaucoup de nos stratégies sont exposées à des titres « Growth » qui sont généralement plus sensibles à l'augmentation des taux d'intérêt réels. Une hausse forte et rapide aurait probablement des conséquences, non pas tant sur les fondamentaux, mais sur les valorisations.

C'est un phénomène que nous devons surveiller de près, surtout dans le contexte actuel de reprise économique incertaine et d'inflation galopante. Bien sûr, les entreprises dans lesquelles nous investissons ont généralement un pouvoir de fixation des prix relativement élevé et pourraient certainement faire face à une hausse générale de l'inflation sans sacrifier leurs marges. Ce sont plutôt les taux d'intérêt réels qui pourraient poser problème. »

Quelle est l'ambition/inspiration personnelle qui vous aidera à maintenir le cap dans l'année qui vient ?

« Une des choses qu'un spécialiste de l'investissement thématique doit toujours garder à l'esprit, c'est l'importance de rester curieux et ouvert d'esprit, surtout lorsqu'il s'agit d'envisager des domaines où il est encore très difficile d'imaginer à quoi ressemblera l'avenir. L'avènement des monnaies numériques ou du métaverse, dont nous venons de parler, illustrent bien cette idée. Ce sont des phénomènes qu'il est facile d'écarter sous prétexte qu'ils seraient une bulle ou un effet de mode.

Nous devons prêter attention aux différentes opinions et ne pas sous-estimer les nouvelles technologies ou les nouveaux secteurs d'activité comme s'ils n'étaient que des engouements passagers. Les monnaies numériques et le métaverse, par exemple, présentent des caractéristiques qui me rappellent l'Internet d'il y a 25 ans. Mon ambition pour 2022 sera donc de rester ouvert d'esprit, car je suis sûr que j'assisterai à plus d'une réunion où je finirai probablement par m'interroger sur les conséquences immédiates en matière d'investissement. »

1 E. Culliford et N. Balu, « Facebook invests billions in metaverse efforts as ad business slows », article Reuters du 26 octobre 2021

 

robecoimagearticle

Pour accéder au site, cliquez ICI.