Vontobel - Durabilité positive : les obligations privées des ME

02/12/2021 - source : Patrimoine 24

L’essor de l’investissement ESG est un phénomène mondial et, ces dernières années, la croissance a été spectaculaire sur les marchés émergents. Durant les six dernières années, le volume des émissions d’obligations vertes, durables, sociales et liées à la durabilité sur les marchés émergents a bondi à un taux de croissance annuel composé (TCAC) de plus de 91%. Au cours de l’année dernière uniquement, les émissions d’obligations liées à l’ESG sur les marchés émergents sont passées d’environ 39 milliards USD en 2020 à plus de 114 milliards en données YTD (voir le graphique 1).

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Les obligations relevant du thème de la durabilité peuvent être classées de manière générale en obligations vertes, obligations de durabilité, obligations sociales et obligations liées à la durabilité. Le graphique ci-dessous montre les différents types de prêts et d’obligations proposés. En tant qu’investisseurs obligataires, nous achetons et vendons des titres négociables. Nous nous concentrons donc sur les obligations relevant du thème de la durabilité.

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Source: BloombergNEF, Vontobel Asset Management

S’agissant de l’investissement durable, les investisseurs actifs devraient selon nous se lancer à la recherche d'émissions de sociétés ou de pays adoptant des mesures qui permettent leur progression sur la voie de l’amélioration de leur profil ESG. La question n’est donc pas tant de savoir si ces émetteurs ont déjà atteint leurs objectifs ESG, mais plutôt s'ils les atteindront à terme. Nous pensons qu’en examinant l’évolution d’une entreprise sous-jacente, nous sommes en mesure d’atteindre deux objectifs :

récompenser et aider les entreprises qui passent d’une situation non durable à une situation durable et offrir le meilleur potentiel pour générer des performances.

Pour illustrer les opportunités offertes par les marchés émergents aux investisseurs soucieux du développement durable, nous nous pencherons sur une étude de cas spécifique consacrée au Chili.

Le Chili poursuit sa transition énergétique

Le Chili se situe à la pointe de la transition vers une énergie plus verte. En 2019, le gouvernement chilien a annoncé son « plan national de décarbonation » visant à atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050. S'il vise à lutter contre les émissions de carbone dans tous les secteurs, la transformation de la production d’énergie est essentielle à la réussite de cette vaste entreprise. Avec pour objectif de réduire la dépendance du système au charbon, le plan prévoit la fermeture de 1.047 MW de capacité de production au charbon d’ici 2024 et de l’intégralité de la capacité de cette même production à l’horizon 2040. Le gouvernement fait aujourd’hui pression pour avancer cet objectif de 2040 à 2025 et le Congrès a déjà adopté un projet de loi en ce sens. Pour que le projet de loi ait force de loi, il doit recevoir l’aval du Sénat, qui examine toujours la proposition et n’a pas encore donné son feu vert. Que la réduction de 100% de la production soit atteinte en 2025 ou en 2040, sa réalisation nécessitera d’importants financements.

Au Chili, la principale source d’énergie reste le charbon. L’énergie à base de charbon représentait 35% de l’énergie totale produite en 2020, suivie par l’énergie hydraulique (27%) et le gaz naturel (18%). Cependant, ce sont les sources d’énergie renouvelable qui offrent selon nous les prix les plus compétitifs, avant le charbon, le gaz et le diesel. Bien que le « plan national de décarbonation » inclue environ 380 producteurs privés d’énergie, l’essentiel de la production au Chili repose sur les quatre grandes entreprises énergétiques AES Andes, Colbun, Engie et Enel, qui opèrent toutes leur transition du charbon vers les énergies renouvelables. Le passage des énergies fossiles aux énergies renouvelables requiert toutefois des investissements considérables. Pour l’heure, il appartient aux entreprises privées de financer elles-mêmes leur transition vers les énergies renouvelables. On estime que le secteur de l’énergie au Chili compte 18 milliards USD de projets en construction ou en cours d’examen environnemental pour un développement futur. Les entreprises prévoient de financer leurs investissements au moyen de leur trésorerie générée en interne, de capitaux propres et de la dette. Autrement dit, des opportunités existent pour les investisseurs obligataires. Les grands producteurs d’énergie sont à l’origine de l’essentiel des nouvelles émissions de dette, mais des acteurs plus modestes sont également présents. Ainsi, des sociétés comme Inversiones Latin America Power ont eu recours aux marchés de la dette pour la première fois en juin, avec l’émission de 404 millions USD de dette visant à financer la construction de parcs solaires et éoliens. Des investissements sont également réalisés dans le système de distribution du pays, car de nouvelles lignes doivent être construites. L’émission effectuée par Interchile en juillet pour un montant de 1,2 milliard USD en représente un bel exemple.

Actuellement importateur net d’énergie, le Chili ambitionne de devenir un exportateur d’énergie. Pour ce faire, le pays entend tripler son énergie électrique, qui passera de 77 TWh en 2020 à plus de 220 TWh d’ici 2050, dont 94% devraient être renouvelables. A long terme, le Chili considère la durabilité comme une source de revenus pour son économie ; son objectif est de transformer l’énergie verte en billets verts. Les efforts du Chili pour atteindre ses objectifs de développement durable ne se limitent cependant pas à de belles paroles, comme en témoignent les mesures législatives prises ces dernières années par le gouvernement et l’accélération de l’émission d’obligations vertes par les entreprises.

Il a augmenté ses émissions d’obligations labellisées, qui sont passées d’environ 6,0 milliards USD en 2019 à un montant estimé à 17,4 milliards en 2021 (voir graphique 2). Cette tendance devrait se poursuivre dans les prochaines années, à mesure que de nouveaux projets recevront l’aval des autorités de tutelle. En outre, les développements durables dans des secteurs clés tels que l’exploitation minière et l’agriculture, ou encore les transports, offriront des opportunités d’investissement supplémentaires dans le pays. Les investisseurs se montrent de plus en plus sensibles aux questions ESG et la demande d’obligations relevant du thème de la durabilité est abondante. Le Chili entend tirer parti de cette demande pour faciliter la réalisation de ses objectifs.

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La réglementation, moteur d’un progrès durable sur les marchés émergents

Le Chili est exceptionnellement bien loti en matière de ressources renouvelables, comme le souligne un récent article de J.P. Morgan : « Les déserts du nord du pays bénéficient de l’irradiation solaire la plus élevée de la planète, les vents du sud soufflent sans fin avec la même force que les vents du large ».1

La croissance de l’investissement ESG devrait se poursuivre, stimulée par l’intérêt des investisseurs qui alignent leurs portefeuilles sur des objectifs durables. Si les pays des marchés développés ont tendance à être plus avancés dans leur processus de transformation durable, leurs homologues émergents sont occupés à combler leur retard. Les investisseurs doivent y voir une opportunité d’investissement, car les pays émergents sont en mesure de réaliser les plus grands progrès pour atteindre les objectifs ESG tout en offrant des primes de spread attractives par rapport aux marchés développés. Cependant, les marchés émergents constituent un vaste univers d’investissement, au sein duquel l’engagement en faveur de la durabilité varie d’un pays à l’autre. Pour les investisseurs en obligations d’entreprises des pays émergents, la clé réside dans l’identification des pays disposant d’un gouvernement et d’une législation favorables, offrant aux entreprises un environnement propice à la durabilité. Le Chili est une économie émergente et présente une feuille de route claire, qui bénéficie du soutien des pouvoirs publics et d’entreprises qui prennent des mesures concrètes pour atteindre des objectifs durables. Combinés, tous ces éléments offrent un potentiel de croissance et de performance.

Par Nuria Jorba Arimany, Analyst, Sergey Goncharov, Portfolio Manager et Wouter Van Overfelt, Head of Emerging Market Corporates, Senior Portfolio Manager

 

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